Le monopole de la mémoire

Publié le par AAK



Les Parisiens du VIIIè arrondissement de Paris l'auront remarqué, voilà une semaine que se poursuit sur les champs élysées l'installation de drapeaux Israéliens et de drapeaux Français, à l'occasion du soixantenaire de l'Etat hébreux. Le président Israélien Shimon Pérès sera en visite officielle à Paris dès demain et inaugurera jeudi soir l'édition 2008 du salon du livre. Ce salon, qui par tradition était resté apolitique, sera cette année placé sous le signe d'Israël invité d'honneur de l'évènement.
 
A ce titre, de nombreux Etats arabes ont vivement protesté et les écrivains palestiniens, iraniens, saoudiens, libanais, marocains ou égyptiens vont boycotter le salon pour protester contre la politique Israelienne envers le peuple palestinien.
 
Cet article ne sera pas long car je n'ai pas envie de me lancer dans la querelle de chapelle qui oppose les parties en présence depuis une époque où j'étais encore loin de naître.
 
Je tiens simplement à émettre deux réflexions.
La première c'est qu'il me semble maladroit d'avoir choisit le salon du livre comme "vitrine" de l'anniversaire de l'Etat hébreux. Au fil de mes lectures, j'ai pu remarquer le talent particulier du peuple juif à l'écriture. Cependant je considère que la littérature étant transculturelle, elle n'appartient à personne précisément parce que tout le monde écrit. Si un écrivain ou un style doit être distingué, c'est à mon sens parce qu'il est le meilleur, mais par pour des histoires d'appartenance nationale, de religion, ni même en mémoire d'un passé tragique. Beaucoup de choses opposent Israël et ses voisins, mais la littérature fait partie des rares choses qui n'appelle pas encore à conflit. Je crains qu'une fois de plus, ce privilège accordé à l'état hébreux ne fasse que l'opposer encore un peu plus à ses voisins et ce n'est pas lui rendre service.
 
J'en arrive à mon second point. Nous connaissons tous les atrocités dont le peuple juif a été victime. A ce titre nous nous accordons tous à penser qu'un devoir de mémoire existe. Cependant, lorsque je vois cette célébration en France des soixante ans d'Israël et tous ces drapeaux sur la plus belle avenue du monde, je suis obligé de rappeler que le peuple juif ne doit pas avoir le monopole de la mémoire. Je souhaite qu'en 2012 des drapeaux Algériens flottent sur Paris pour célébrer les 50 ans de l'indépendance algérienne. Je souhaite qu'un jour des drapeaux frappés d'un sacré coeur rouge soient installés en commémoration du génocide d'un peu plus de 500 000 bretons et vendéens durant la révolution française. J'eus souhaité que les pensions militaires de retraite des combattants coloniaux aient été réévaluées plus tôt. Je déplore de nombreuses autres causes pour lesquelles le devoir de mémoire n'existe pas.


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Comprenons nous, je ne souhaite pas graduer la souffrance sur une échelle. Je souhaite simplement que les cultures soient enfin toutes reconnues dans leurs souffrances, mais aussi dans leurs richesses ou dans leur mérite. Certains me rétorqueront qu'il est impossible de tout célébrer et je leur répondrai qu'ils ont probablement raison. Commençons dans ce cas par célébrer la France, ce sera un bon début car elle en a bien besoin.

Publié dans International

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